Le Héros malgré lui.
Maria Carpi. Editions les Arêtes.
L’Homme, ce héros malgré lui. L’Homme
confronté aux douleurs et aux joies de sa vie. Ce qui fait le destin de chaque
individu… Maria Carpi, poète brésilienne, utilise le langage du mythe, de
l’énigme pour dire la simple et complexe aventure de la vie. Ses paroles ne
disent pas le quotidien mais par illuminations d’une pensée nourrie de
philosophie et surtout par la Bible, ses poèmes nous parlent de nos limites et
de l’au-delà de celles-ci, des fondations d’une mémoire inconnue, des courants
qui baignent le cœur et ses ardeurs.
C’est un livre d’Heures enluminé
de rêves et de visions, une poésie d’images transfigurant le réel. L’Homme est
ce héros éternel, celui qui voit, qui parle, qui souffre, qui espère. Il peut
être l’arbre symbole de la nature confronté à sa perte, à sa fuite, à sa peur, ce corps qui « voyage de racines au feuillage »,
« du feuillage aux fruits ». Naître, « voyage pour arriver au corps »- « s’exposer à
l’existence » chaque poème dit ce magnifique et douloureux « risque de vie » dans un langage
inspiré d’une grande force dramatique. « Combien
de résurrections/ peut supporter le corps » - nous sommes dans la
Passion, ses différentes stations. Celui qui sait, qui voit c’est parce que
« La substance des yeux (est) à l’intérieur ».
Dans de nombreuses allusions
christiques, Maria Carpi nous dévoile notre propre individuation autant que le
travail de notre inconscient : « La
fulgurance de l’éclair nous fend » et nous rend accessible à la
connaissance.
Elle dit ce que le corps sait du
désir, de la tension entre réel et idéal, entre la « pesanteur et la
grâce ». « Les mains sans le
corps écrivent/ le corps de l’histoire et purifient son feu ».
Poésie difficile ?
Peut-être ! Mais c’est surtout une poésie qui s’ouvre au lecteur dans le
partage d’une commune expérience avec les contradictions, les humiliations, les
chutes, la tension vers le haut (Giacometti et son Homme qui marche), le « déséquilibre de l’obscurité »
(« Le déséquilibre me fait entrer dans l’écriture » confie-t-elle)
et malgré la difficulté à dire « ce
qui reste et jamais ne sera mot » - « Dieu/ tombant dans les
escarpements du livre » (elle aurait pu écrire le Livre), Maria Carpi
nous touche intensément par ses visions poétiques.
Dans le dernier chapitre du
livre : « Un rameau de joie », elle parle plus souvent à la première
personne. Elle ramène à elle, à sa propre vie, les aventures du Héros. Toutes
les identités mêlées aboutissent à sa propre intimité, comme elle avait pu
s’approprier l’expérience de Jeanne d’Arc dans les « Flamme bleue »
(aux mêmes éditions).
Le livre se termine sur la joie,
la rédemption par la joie, ces moments qui illuminent notre vie, ce que la
Bible nomme « dilatation du cœur » et même H. Michaux « Expansion à l’état pur ».
Vivre dit Maria Carpi, assumer
notre destin, utiliser notre force de vie et notre lucidité pour donner du sens
à l’ombre au seul risque que « Par
l’insistance de l’ombre, le soleil éclate de son noyau ». Un
magnifique recueil traduit du brésilien par Sandrine Pot avec la relecture de
Helena Ferreira.
Luce Guilbaud
Luce Guilbaud