Crispations
de
Claire Dumay
sortie le 17 avril 2014
«
l’organique ne se dégrade pas mais se pétrifie »
Ni intrigue, ni
personnage, nul récit mais la traque, l’observation de soi. Ainsi, dans sa
pratique , à travers des textes courts, documents du quotidien, nous suivons
l’auteure qui étudie et prend note de son propre corps de ce qui le traverse de sa relation avec l’extérieur, son environnement.
Corps omniprésent, intérieur et extérieur, surface, limite, quel est son
fonctionnement ? De tout ce que
nous absorbons, qui est transformé, digéré et évacué, qu’est-ce qui est moi ?
Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Le transitoire est-il un excédent qui peut
s’agglomérer et devenir moi ou est-il irrémédiablement étranger ? Etre
signifie-t-il habiter un corps ? ne cesse de questionner Claire Dumay. Qui
suis-je ? Qui suis-je dans ma relation à l’autre ? A la loupe, au scalpel, elle
« arrête chaque vestige et repositionne sur la roue crantée de ma mémoire, pour
l’ancrer quelque part et l’arracher à la menace définitive de la fin ». Son
projet qui consiste à s’observer et observer, de façon neutre et détachée, ce
qui se passe en elle et autour d’elle, à conserver au-delà de la limite
périssable ce qui devrait être jeté, et ce pour mieux se connaître, est à la
fois obsessionnel et dérangeant. Le lecteur pressé se verra repoussé et n’y
reviendra plus tant la séduction est absente de ces pages. Mais la dure clarté
que s’impose l’auteure, le sentiment qu’elle a d’elle-même, fait de sensations
aiguës mais non permanentes accentue sa conscience de la fuite inéluctable du
temps. Cette conscience crée l’inquiétude
qui commande l’écriture, car celle-ci est exercice de mémoire. Devant la
fuite du temps elle rend compte de ses effets avec acharnement elle exprime ce
qui reste limité habituellement aux limites intimes, aux parois du corps.
Cette mise à
distance lui est nécessaire pour se
connaître et mieux s’habiter. Car paradoxalement elle habite un corps qui n’est
sien que parce qu’il lui est étranger. Un habitacle dont elle est la locataire
visible et secrète, toujours en quête d’une unité perdue que seule la mort est
capable de restituer. A la vie, la mise au monde qui divise, au voyage dont
rien ne saurait être sauvé, elle répond par cette inconnue. Dans ce
corps/habitacle elle descend force les secrets qui n’en sont pas, et touche à «
la matière brute, immuable, que l’on ne pourra pas extirper de mes
entrailles, ni mutiler à l’heure de ma mort. » La mort est omniprésente dans
ces textes courts. La mort au cœur de la vie, permanente.
Une voix de femme
dans un corps de femme qui questionne à l’infini son identité, qui s’impose un
ressassement implacable, quel détail aurais-tu omis ? C’est dans une atmosphère
étouffante, souvent effrayante que se produit la confrontation face à soi-même.
Une voix qui n’épargne personne, qui met à nu tous ses phantasmes,
ses plus éprouvantes obsessions. Rêves éveillés, cauchemars. Crainte
irraisonnée, incontrôlable, dont seule l’incorporation permet de se protéger.
L’introspection
à laquelle se livre Claire Dumay est
minutieuse, elle s’y adonne tout entière.
Sandrine Pot
Claire Dumay a cinquante-quatre
ans. Elle vit et enseigne les lettres à Paris. Remariée à un artiste-peintre,
elle est mère de deux enfants.
Sa
pratique de l’écriture est régulière, thérapeutique ; source de
respiration et d’hygiène. Dans le creuset des mots, s’élucide et prend corps une
identité autre, à même de lever la cuirasse sous laquelle se livrent
vulnérabilités et défaillances.
Claire
Dumay tente de poser un regard différent sur sa vie quotidienne, de s’en
abstraire, de se donner une chance d’être perçue autrement.
Ses
textes sont tous de nature introspective. Certains fouillent des curiosités
narcissiques, explorent des fonctionnements pathologiques. D’autres retracent
les événements, les interrogations, les états de crise, qui scandent son champ
autobiographique.
Publications
en revues : « Supérieur Inconnu »,
« L’Anacoluthe », « Moebius », « Papilles », « Le
nouvel Athanor », « Midi ».
Publications : Atelier
de l’Agneau, décembre 2012, « Les
étreintes bloquantes ».
Les Moments Littéraires, juin
2013 : cinq textes inédits.