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samedi 19 mai 2012

Bernard Joubert

                                                    Bernard Joubert /  Paysage, 2006 - Huile sur toile, 89 x 130 cm


"Comme Frenhofer, le peintre du chef-d'oeuvre inconnu "soulevant couche par couche" les tableaux de  Titien, en regardant la peinture de Bernard Joubert, on sent que la surface apparente de celle-ci se révèle autant qu'elle se dissimule. Le sujet semble brouillé, déplacé. On cherche l'organisation qui apaiserait le trouble du regard. Le regard attentif sent cette organisation et, peu à peu, se met en place un apaisement qui révèle un ordre. S'il n'y a pas composition au sens strict et classique du terme, on sait immédiatement que ces couleurs, ces fragments de gestes, de corps, ces touches de peinture, ces accidents de surface correspondent à un souci d'élaboration permanente, justifiée, obstinée.
On n'expliquera pas la peinture de Bernard Joubert en disséquant cette oeuvre, en mettant à jour le procès. Pas de secret à dévoiler. c'est d'abord une peinture qui se donne à voir, à goûter. On ne résiste pas au plaisir, à la jubilation de ces vibrations de formes et de couleurs. L'énigme de cette peinture n'est qu'apparente. Le peintre ne cherche ni à cacher son geste, ni à voiler son sujet. Il souhaite seulement renouveler le regard par une pensée de la forme, de la matière et surtout de la surface : la peinture devenue "peau conçue comme superficie et principe de séparation"ainsi que le dit George Didi-Huberman. On sait qu'à la renaissance le peintre organisait souvent son tableau suivant des principes de composition musicale, et la musique était elle-même liée aux mathématiques. Il y a cette préoccupation chez Bernard Joubert ; une musique, une aventure où la suite, la simultanéité, la juxtaposition nous parlent du temps. "Strette" de 1988, "Caccia" de 2001, où la superposition intervient, sont comme un temps visuel, immédiat, et la circulation dans le plan est une mémoire de ce temps. Sacrifice de la surface, de son unité précaire pour une tentative d'unité absolue ; une fugue en couleurs.
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extrait de  Bernard Joubert, Temps et distance de la peinture, par Luce Guilbaud