target='_blank'

lundi 24 octobre 2011

Si vous avez un moment à vous, un coin à l’abri de la pluie de la Toussaint, une fenêtre devant laquelle vous asseoir, de sérieux problèmes d’argent mais une bonne constitution, que vous soyez un homme ou une femme, bien que si vous êtes femme et qu’incidemment vous éleviez seule votre ou vos enfants, vous pourrez vous sentir de fait plus concernée par la suite, si peut-être un poème, un roman, une phrase ont changé votre vie et que vous croyez que d’autres encore peuvent faire cette expérience, si peut-être vous écrivez vous-même, qu’écrire est pour vous une nécessité et que sans en faire trop mais en faisant ce qu’il faut vous avez fait le choix d’écrire en en assumant les conséquences qui malgré l’état providence, le RMI ou RSA, vont peser lourdement sur vous, vos ou votre enfant, si vous résistez aux assauts des voix de tous bords, de tous milieux, de tous sexes, comme si soudain pour la circonstance elles n’en faisaient plus qu’une, raisonnée, raisonnante « trouves-toi un vrai travail, tu n’es plus une, un enfant », si vous n’êtes plus entièrement sous l’emprise de votre père ou de votre mère, de votre famille, votre compagnon (e), amant(e), vos amis (es) ou de toute autre personne, que vous ne serez pas démoli(e) si vous ne plaisez pas à tous et à toutes, si vous savez prendre des coups qui n’ont pas l’air d’en être, si vous n’êtes pas complètement paranoïaque malgré tout, si vous pouvez vivre en restant d’humeur joyeuse malgré le fait de ne pas savoir ce que vous allez manger ou comment vous allez payer votre loyer, ni avec quoi  acheter une nouvelle paire de chaussure à vos ou votre enfant, et que vous savez qu’il est préférable de vous taire et pas forcément pour les raisons évoquées plus haut, si vous vous obstinez cependant dans la même voie, lisez La marche dans l’ombre de Doris Lessing, qui commence en 1949 quand elle arrive à Londres avec son fils de deux ans et demi, Peter. Lisez-le même si rien ci-dessus ne vous correspond. C’était une autre époque, comme on dit, mais par moments…




« Le pire évènement qui soit survenu dans le monde de la littérature s’est produit quand les très riches, les multimillionnaires, ont eu la fantaisie de posséder des maisons d’édition. Par goût du pouvoir : lequel d’entre eux se soucie de livres ? Immédiatement ils ont forcé l’édition à devenir comme n’importe quelle branche de l’industrie. Aucun des grands empires éditoriaux ne gagne beaucoup d’argent, aussi pouvons-nous espérer que ces hommes très fortunés s’en désintéresseront et qu’avec de la chance _où suis-je simplement en train de rêver ? _ ces associations contre nature éclateront à nouveau. Dans ce domaine plus on est petit mieux ça vaut. Peut-être pouvons-nous retourner à une situation où les éditeurs se soucient que les livres soient bien fabriqués et même convenablement corrigés…
Ce n’est pas seulement une question d’argent. Un élément obscur, équivoque, flotte ici ; un besoin non reconnu est attisé. On ne peut guère pousser plus loin l’humiliation d’un auteur que lorsqu’on l’envoie dans une librairie de Manchester (ou Detroit), par exemple, pour l’installer devant une pile de livres, et que personne ne se présente pour acheter son roman, sans parler de le faire signer. J’ai vu des jeunes écrivains subir ce supplice.
  Ou bien prenez un salon du livre. Chaque éditeur a sa rangée d’auteurs qui attendent de signer leurs ouvrages. Les célébrités ont leurs files d’admirateurs. Et ceux qui sont moins connus_ ils peuvent aussi être bons_ passent une ou deux heures sans que personne ne les approche. De quoi s’agit-il ? Sûrement pas de vendre des livres. Non, l’éditeur exhibe ses poulains devant ses concurrents : Regardez ce que j’ai dans mon écurie….
 La semaine dernière on a rapporté ce propos : « Ils devraient ramper dans les fossés plein de boue. » Eux, les auteurs qui assurent la promotion des livres… »