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mercredi 16 avril 2014



Crispations

de 

Claire Dumay

sortie le 17 avril 2014



« l’organique ne se dégrade pas mais se pétrifie »


Ni intrigue, ni personnage, nul récit mais la traque, l’observation de soi. Ainsi, dans sa pratique , à travers des textes courts, documents du quotidien, nous suivons l’auteure qui étudie et prend note de son propre corps  de ce qui le traverse de sa  relation avec l’extérieur, son environnement. Corps omniprésent, intérieur et extérieur, surface, limite, quel est son fonctionnement ?  De tout ce que nous absorbons, qui est transformé, digéré et évacué, qu’est-ce qui est moi ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Le transitoire est-il un excédent qui peut s’agglomérer et devenir moi ou est-il irrémédiablement étranger ? Etre signifie-t-il habiter un corps ? ne cesse de questionner Claire Dumay. Qui suis-je ? Qui suis-je dans ma relation à l’autre ? A la loupe, au scalpel, elle « arrête chaque vestige et repositionne sur la roue crantée de ma mémoire, pour l’ancrer quelque part et l’arracher à la menace définitive de la fin ». Son projet qui consiste à s’observer et observer, de façon neutre et détachée, ce qui se passe en elle et autour d’elle, à conserver au-delà de la limite périssable ce qui devrait être jeté, et ce pour mieux se connaître, est à la fois obsessionnel et dérangeant. Le lecteur pressé se verra repoussé et n’y reviendra plus tant la séduction est absente de ces pages. Mais la dure clarté que s’impose l’auteure, le sentiment qu’elle a d’elle-même, fait de sensations aiguës mais non permanentes accentue sa conscience de la fuite inéluctable du temps. Cette conscience crée l’inquiétude qui commande l’écriture, car celle-ci est exercice de mémoire. Devant la fuite du temps elle rend compte de ses effets avec acharnement elle exprime ce qui reste limité habituellement aux limites intimes, aux parois du corps.
Cette mise à distance lui est  nécessaire pour se connaître et mieux s’habiter. Car paradoxalement elle habite un corps qui n’est sien que parce qu’il lui est étranger. Un habitacle dont elle est la locataire visible et secrète, toujours en quête d’une unité perdue que seule la mort est capable de restituer. A la vie, la mise au monde qui divise, au voyage dont rien ne saurait être sauvé, elle répond par cette inconnue. Dans ce corps/habitacle elle descend force les secrets qui n’en sont pas,  et touche à «  la matière brute, immuable, que l’on ne pourra pas extirper de mes entrailles, ni mutiler à l’heure de ma mort. » La mort est omniprésente dans ces textes courts. La mort au cœur de la vie, permanente. 

Une voix de femme dans un corps de femme qui questionne à l’infini son identité, qui s’impose un ressassement implacable, quel détail aurais-tu omis ? C’est dans une atmosphère étouffante, souvent effrayante que se produit la confrontation face à soi-même.
Une voix qui n’épargne  personne, qui met à nu tous ses phantasmes, ses plus éprouvantes obsessions. Rêves éveillés, cauchemars. Crainte irraisonnée, incontrôlable, dont seule l’incorporation permet de se protéger.
L’introspection à laquelle se livre Claire Dumay est minutieuse, elle s’y adonne tout entière.
Sandrine Pot


Claire Dumay a cinquante-quatre ans. Elle vit et enseigne les lettres à Paris. Remariée à un artiste-peintre, elle est mère de deux enfants.
Sa pratique de l’écriture est régulière, thérapeutique ; source de respiration et d’hygiène. Dans le creuset des mots, s’élucide et prend corps une identité autre, à même de lever la cuirasse sous laquelle se livrent vulnérabilités et défaillances.
Claire Dumay tente de poser un regard différent sur sa vie quotidienne, de s’en abstraire, de se donner une chance d’être perçue autrement.
Ses textes sont tous de nature introspective. Certains fouillent des curiosités narcissiques, explorent des fonctionnements pathologiques. D’autres retracent les événements, les interrogations, les états de crise, qui scandent son champ autobiographique.  
Publications en revues : « Supérieur Inconnu », « L’Anacoluthe », « Moebius », « Papilles », « Le nouvel Athanor », « Midi ».
Publications : Atelier de l’Agneau, décembre 2012, « Les étreintes bloquantes ».
Les Moments Littéraires, juin 2013 : cinq textes inédits.