target='_blank'

lundi 3 octobre 2011

                                                                         livre de et par Philippe Guitton

Octobre, le livre Les Poèmes de Maximus, le temps qui passe et autre pensées…

Les bibliothèques, ou médiathèques, permettent ceci : découvrir ce que l’on ignorait chercher. Cela ne marche pas à tous les coups, il arrive aussi que la pêche que l’on croyait miraculeuse s’avère décevante, mais pour la main qui saisit le livre, le poids soudain que l’on soulève, l'ensemble des sensations procurées par l'objet même, menant à l'oeuvre intellectuelle, l'effort n'en est pas vraiment un. Expérience faite à nouveau ce vendredi avec le livre Les poèmes de Maximus, de Charles Olson, publié par les éditions La Nerthe, et trouvé sur un des rayonnages de la médiathèque de La Rochelle. « Trois volumes rassemblés sur plus de 630 pages,  traduits pour la première fois dans leur intégralité. Ils sont suivis d’un essai du traducteur (Auxéméry, travaillant sur Olson depuis plus de trente ans) sur la complexité de ces poèmes, sur leur conception et évolution… » est-il écrit sur la quatrième de couverture, ce qui se traduit pour moi par la possibilité d’un voyage, d’une relation au temps, à la durée.
Aujourd'hui, c'est dimanche, le livre est là, opaque et dense, parlant  avant même d’être ouvert et c’est avant même d’être ouvert que j’ai envie d’en parler. Sur la table de la cour, je le regarde scellé, fermé sur lui-même, irréfutable et proche, si proche que ma main, un courant d’air ou la course d’un chat  l’ouvriraient sans peine. Mais pour l’heure, même à l’ombre, pas un souffle de vent et les chats pas plus que moi ne bougeons. Je m’observe observer le livre de papier dont on annonce ici et là la fin. Personnellement je n’en sais rien, ou pas plus que ce que j’en lis, mais cet après-midi je me demande ce qui demain donnera ce caractère  à la fois de totalité et de finitude que confère parfois le livre, en tant que réalisation intellectuelle et matérielle (et peu importe sa taille et son poids !). J’ai parcouru hier les pages du livre d’aujourd’hui, lu au hasard un nom en capitales, une succession de lieux, la mer au milieu de la page vide, des dates, des phrases qui se croisent comme des routes,
            SI LA MORT NE CESSE PAS SON ŒUVRE
            NE NOUS RESTERONT NI TERRE NI ANNEES
 … et cela m’a immédiatement fait penser au livre de Susan Howe, Marginalia de Melville, un  livre que j’affectionne, publié aux éditions Le Théâtre Typographique. Ainsi, j'ai donc trouvé ce que je ne savais pas chercher.  Mais ayant d'autres lectures en cours, je ne peux que le regarder, c’est ce que je fais sur la table de jardin, j’ai le temps,
d’ailleurs, on dirait que le temps ne passe plus, mais qu’il s’approfondit, s’agrandit, se multiplie, je l’entends, je suis en relation avec l’intériorité du temps hors temps, sa pulsation sa respiration que je sens battre au-dedans de moi. Radieux dimanche d’octobre, tout à la fois rempart et enclave, contre l’accélération, la dispersion, la morcellisation. Je jubile, ce temps hors du temps, volé, c’est celui que contient le livre n’attendant que d’être ouvert pour le restituer.
 Le livre électronique, mais ne dit-on pas une liseuse, comme une bobine se dévidant sans fin,  pourra- t-il restituer ce temps hors-temps qui nous habite et dont la fréquentation m’est quant à moi indispensable.
Sinon, pourquoi continuer ? Pourquoi continuer à fabriquer des livres de papier ?